Les « lointains » ordonnent l’espace, dessinent un « au-delà », suggérant le connu et l’inconnu, l’accessible, l’inaccessible. Les questions s’y multiplient : attirance ou crainte, intérêt ou désintérêt, mais aussi interrogation sur l’ailleurs, ses profils, ses surprises, ses mystères, mobilisant l’imaginaire comme le savoir. Mille curiosités s’engendrent. Mille certitudes se disent : les lieux, les êtres, les formes, les situations, la manière de les penser, celle de les considérer une fois rencontrés. L’univers s’amplifie ainsi avec le temps, révise ses limites, invente des lieux, déplace ses ténèbres, crée du conflit, jusqu’à se jouer des distances et de leurs objets, au point d’explorer, au-delà des terres, les gouffres des mers ou l’infini du ciel, au point, plus encore, de découvrir, a contrario, d’incomparables abîmes au sein même de la proximité. Microscopes et lunettes astronomiques en sont les symboles en miroir. Éloignement et rapprochement s’inversent. Comme s’inverse aujourd’hui l’image d’un Occident, longtemps inventeur de lointains, longtemps pourvoyeur de migrants, devenu, après nombre de mutations culturelles, un lieu où se rêvent des arrivées enchantées. Le défi devient alors majeur où les lointains s’inversent, viennent frapper aux portes des anciens dominants, où les terres « éloignées », dégradées par les activités humaines, viennent menacer ceux qui prétendaient les maîtriser.
L’histoire des lointains proposée ici ambitionne ainsi de revisiter l’histoire elle-même, jusqu’à en faire un projet « total ». Loin de se limiter à celle des découvertes, elle montre comment, en déclinant les rêves d’ailleurs, elle décline aussi, à sa manière, une histoire de l’humanité.